Vinted, Le Bon Coin, Ebay… ces noms sont devenus des références sur le marché de l’occasion et ne réservent plus aucun secret pour nous. Associé à un mode de consommation conscient, vertueux et écologique, le boom de la seconde main semble illustrer l’un des aspects les plus positifs du XXIe siècle.
La seconde-main, c’est l’action d’acheter, de vendre ou de troquer un bien d’occasion à un nouvel utilisateur afin de lui donner une seconde vie. Ce mode de consommation est devenu de plus en plus courant au cours de la dernière décennie : en effet, le marché de l’occasion représentait 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont 1 milliard pour le textile ! Cette démocratisation a été rendue possible grâce à la multiplication des plateformes de revente, ainsi qu’au déploiement récent d’un volet « seconde-main » chez de nombreuses marques telles que Kiabi, Ikea, La Redoute ou encore Zalando.
Bien sûr, ce n’est pas un hasard si toutes les marques s’y mettent : acheter de la seconde-main n’est plus un fait minoritaire, c’est devenu tendance. C’est aussi pour attirer les consommateurs en quête de réduire leur impact environnemental, notamment la génération Z, que les marques cherchent à intégrer l’économie circulaire dans leur stratégie marketing. Cette nouvelle mode combinerait donc une esthétique à une éthique, pas mal, non ?
La genèse de la seconde-main
Cette appétence pour la seconde-main n’en demeure pas moins un levier de différenciation sociale qui ne correspond pas aux aspirations des plus modestes. Historiquement, la seconde-main est un moyen d’achat très prisé par les classes populaires ; la motivation principale étant les prix bas. Néanmoins, l’achat d’occasion est associé à une forme de stigmatisation pour les classes populaires.
En effet, la seconde-main ne les attire pas autant que les classes supérieures : elles sont assez réticentes à l’idée d’acheter des biens d’occasion, puisqu’elles associent la seconde-main à une image sociale peu valorisante dont il faudrait se cacher. Leur perception des produits « neufs » est différente de celle des classes supérieures : le neuf est synonyme de confort financier et renvoie à une image sociale « plus noble ». Ces ménages se caractérisent par une aspiration à consommer « comme tout le monde » ; en d’autres termes, se conformer aux normes de la société de consommation.
À l’inverse, les classes supérieures chinent en brocantes à titre de loisir avant tout, afin de trouver des items de collection ayant une forte valeur historique ou symbolique, ou bien dans l’espoir de trouver une pièce unique en son genre. Cela s’explique en partie par un capital culturel plus élevé que celui des classes plus modestes. De plus, la valeur économique du bien n’est que secondaire.
Vers une généralisation du marché…
Le milieu des années 2010 a été le point de départ dans la prise de conscience environnementale des Français : se procurer un produit ayant déjà été utilisé constitue un excellent moyen de faire des économies, préserver l’environnement et lutter contre les conditions de travail précaires des salariés du secteur textile. À savoir, l’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde, juste derrière le pétrole, et devant l’automobile.
Au fur et à mesure que cette habitude entre dans les moeurs des Français, le marché des produits d’occasion se défait de cette image « low cost » pour gagner une image plus valorisante, celle de la mode vintage ou l’aspect « malin ». La consommation de seconde-main devient de plus en plus institutionnalisée notamment grâce à l’essor du commerce en ligne et une meilleure accessibilité aux smartphones. L’essor des friperies dans les grandes villes et la multiplication des applications de revente de vêtements et leurs grandes campagnes de communication comme Vinted, Depop, Vestiaire Collective … participent à la normalisation de ce nouveau mode de consommation.
De grandes enseignes se mettent aussi à promouvoir la seconde-main : « La bonne trouvaille » d’Ikea, la gamme « Nouveau Souffle » d’Aigle, le « RE.love shop » de Pimkie, « La Reboucle » de La Redoute, « Playback » de Mattel… Bref, vous avez compris l’idée. Le fait que des enseignes de grande consommation mettent en place un tel système permet de mettre en avant l’économie circulaire. Les objectifs principaux des marques est de redynamiser la fréquentation de leurs points de vente et de renforcer leur image grâce à la seconde-main qui leur procure une identité éco-responsable. Néanmoins, chez certaines enseignes, les vendeurs se voient octroyer un bon d’achat, moyen pour eux de consommer du neuf par la suite ; concept qui peut s’avérer être contre-productif avec l’origine de la démarche.
… et une gentrification pour certains
Ce qui distingue l’achat de produits de seconde-main par les classes supérieures des classes modestes, c’est le fait d’acheter davantage pour moins cher et l’originalité du produit. Entre considérations environnementales et besoin croissant de s’éloigner de l’uniformisation, trouver des pièces uniques afin de sortir du lot est devenu indispensable. Du moment que la pièce est bradée et assez vintage, cela suffit pour passer à l’acte d’achat.
Par exemple, l’application de revente de prêt-à-porter Depop est très différente des marketplaces classiques où des particuliers bazardent leurs vieux vêtements comme sur Vinted. L’interface s’apparente à celle d’Instagram et les styles sont soignés et les images travaillées comme pour un photoshoot de grande marque. Sur Depop, les utilisateurs ne chinent pas une simple pièce, mais un style à part entière.
Un autre phénomène émane de cet embourgeoisement du marché de l’occasion : la prolifération des business de revente. Ce sont surtout des adolescents que l’on appelle « e-chineurs » qui suivent de très près les nouvelles tendances et qui jouent sur la rareté et le caractère unique des pièces pour les revendre à des prix monstrueux. Leur objectif est de se faire un peu (beaucoup) d’argent de poche, tout en ayant une certaine sensibilité à la cause environnementale.
Sauvons la planète en suivant la mode
En bref, le marché de l’occasion se voit gentrifié et digitalisé, et les friperies et associations de dons laissent place, petit à petit, aux applications de revente qui rencontrent un franc succès. Néanmoins, un détail est à prendre en compte concernant ces dernières. On a tous et toutes déjà été confrontés au doute au moment de l’achat : « on dirait une arnaque, t’as vu comme c’est pas cher ! », « j’espère que le colis arrivera sans encombres, pas comme la dernière fois… ». Sur les plateformes d’e-commerce, les consommateurs ne sont jamais à l’abri d’arnaques et autres annonces frauduleuses non-vérifiées par la plateforme. La seconde-main a un prix supplémentaire, et c’est le risque. Les plateformes de revente ont beau mettre en place une politique de sécurité la plus rigoureuse possible, ce ne sera sûrement jamais aussi sûr que de se rendre dans des enseignes traditionnelles.
Cela reste tout de même un phénomène qui a du bon. Le fait que l’achat de seconde-main soit devenu un mouvement de masse permet à toutes et tous de prendre conscience de la surconsommation actuelle de notre société, notamment dans le secteur du prêt-à-porter et de la technologie. Certaines enseignes comme BackMarket en ont fait leur raison d’être et cela fait d’elle un des précurseurs dans leur domaine.
À long terme, on peut espérer que le marché devienne hybride entre l’occasion et le neuf. En effet, on assiste aux prémices d’une nouvelle société de consommation plus durable et respectueuse de la planète : on estime qu’en 2028, le marché de l’occasion devrait être plus lourd que celui de la fast-fashion. Les grandes marques le savent bien, c’est pour cela que la plupart d’entre elles ont déjà commencé à développer leur gamme d’occasion, comme vu précédemment. À noter également que ce marché attire énormément la génération Z qui fait l’objet d’un potentiel de vente considérable. Des estimations qui laissent présager un plus bel avenir à notre planète !